Une forêt d'arbres creux d'Antoine Choplin
Bedrich arrive dans la ville-ghetto avec femme et enfant. Il intègre le bureau des dessins.
Il faut essayer de trouver chaque matin un peu de satisfaction en attrapant un crayon, jouir de la lumière sur sa table à dessin, pour enfin s'échapper du dortoir étouffant, oublier la faim, la fatigue et l'angoisse.
Chaque jour se succèdent commandes obligatoires, plans, aménagements de bâtiments. Chaque nuit, le groupe se retrouve, crayon en main, mais en cachette cette fois. Il s'agit de représenter la réalité de Terezin sans consigne d'aucune sorte.
Et alors surgissent sur les feuilles visages hallucinés, caricatures. Tout est capté et mémorisé la nuit puis dissimulé précieusement derrière cette latte de bois du bureau des dessins.
Livre de 116 pages découpé en 20 petits chapitres presque des tableaux au titre évocateur, une écriture dépouillée concise précise des phrases courtes cadencées parfois sans verbe une écriture odorante. Peu d’échanges peu de conversations peu de mouvements pas de superflus mais des regards des regards encore des regards et du silence un silence oppressant on parle tout bas on chuchote on se tait. Et dans ce milieu hostile quelques moments qu’il faut savoir apprécier un concert un chant que « l’on fredonne d’une toute petite voix qui franchit tout juste le seuil d’un souffle » quelques paysages qu’il faut savoir capter : un bout de ciel bleu une cabane « un bref moment d’harmonie » et puis ces dessinateurs qui grâce à leur passion vont trouver une alternative à leur manque de liberté. J’ai été happée par ce livre dès le début, la fin très difficile est malgré tout en discrétion et douceur pas de pathos pas de descriptions glauques malgré le sujet de ce livre. On passe constamment d’une éclaircie à l’horreur Bedrich découvre les deux ormes arbres aux figures presque humaines puis les barbelés il découvre la salle de dessin puis son utilisation faire les plans du futur crématorium. La visite de la croix rouge qui n’y voit que du feu dans cette mascarade, le semblant de liberté donnent à ce texte une dimension inhumaine. Et puis au fil de ma lecture j’ai eu le sentiment que ce livre était vrai et je suis allée voir qui était Bedrich et en effet Antoine Choplin nous relate la véritable histoire de cet homme Bedrich Britta artiste caricaturiste tchèque mort à Auschwitz le 8 novembre 44 pour avoir fait sortir du camp des dessins. Ce livre bouleversant nous rappelle janvier 2015 avec les morts des caricaturistes de Charlie et les défilés des gens un crayon à la main, c’est un véritable coup de cœur il me donne envie de lire d’autres œuvres de cet auteur.