La femme révélée de Gaëlle Nohant

Comme ce roman est dense ! Il a tout ce que j’aime : une belle histoire d’amour pour un fils, portée par un personnage attachant avec en toile de fond la Grande Histoire.

Elle s’appelait Eliza Bergman née dans le Michigan, il y a 31 ans de cela, elle était riche et vivait dans une belle maison. Nous sommes en 1950. Son nouveau passeport est au nom de Violet Lee née à Chicago. C’est elle la narratrice. Elle a fui l’Amérique pour se retrouver dans un hôtel miteux à Paris dans un quartier où règne la  prostitution. Quelques vêtements, des bijoux dans le double fond de sa valise mais surtout son bien le plus précieux : un appareil photo, un Rolleiflex.

De rencontre en rencontre plus ou moins heureuse ou  dangereuse, Violet va se reconstruire loin de celui qui l’a détruite, son mari Adam Donnelley, un puissant homme d’affaires. Mais une grande cicatrice l’empêche d’être vraiment heureuse, elle a abandonné son fils qu’elle aime tant à Chicago. Elle a aussi laissé sa mère avec qui les relations étaient difficiles. En arpentant les quartiers de Paris sur les traces de son père, elle photographie et fait la connaissance d’artistes, elle sera reconnue pour la qualité de ses clichés. Entre les paragraphes sur la vie à Paris, Violet nous livre son passé, revient sur les convictions qu’elle a reniées, revient sur le racisme de l’époque, sur ses études abandonnées, sur sa famille et surtout sur son père qui lui avait inculqué les vrais valeurs. Dix-huit ans plus tard, apaisée mais pas guérie, elle va faire le choix de rentrer à Chicago car des évènements vont le lui permettre. Comment sera-t-elle accueillie ? Retrouvera-telle les siens ?

J’ai beaucoup aimé dans ce roman la relation entre Violet et son cher appareil photo, et surtout le lien qu'elle a avec lui. C’est sa protection, l’un des personnages principaux, Sam lui dira à la page 302: « ton arme et ton bouclier » Elle-même dira qu’avec un appareil photo on ne triche pas, « Il n’y a de deuxième chance ». Ce roman est admirablement bien construit, écrit avec beaucoup de soin. La description des clichés est tellement réaliste que l’on peut se les représenter. L’auteure s’est attachée à plonger le lecteur dans le milieu raciste et douloureux de l’époque où Martin Luther King sera assassiné ainsi que Robert Kennedy. Toute cette époque  est analysée avec minutie et relatée avec véracité. On n’en oublie pas Violet, ses retrouvailles plus ou moins douloureuses, son combat et son retour dans la lumière. J’ai dévoré ce roman comme j’avais dévoré La part des flammes d’ailleurs.