Madame Hayat de Ahmet Altan

Coup de cœur pour ce magnifique roman !

    Le narrateur s’appelle Fazil il est jeune étudiant, il habite dans un pays qu’il ne nommera jamais mais chacun comprend que c’est la Turquie. Sa vie a basculé du jour au lendemain, son père ruiné ne supporte pas le choc et meurt d’une hémorragie cérébrale. D’une vie très aisée, il passe à la pauvreté, quitte son appartement pour une chambre meublée dans un vieux quartier. Cette auberge abrite des locataires disparates mais tous très sympathiques et attachants . Pour gagner un peu d’argent, il est figurant dans un studio qui tourne des feuilletons télévisés. C’est là qu’il rencontre une femme qui pourrait être sa mère, elle s’appelle Madame Hayat. Au premier regard Fazil est émerveillé abasourdi par cette femme voluptueuse « à la robe couleur de miel » cette femme passionnée par l’anthropologie. Lui est passionné par la littérature. Quelques jours plus tard, il rencontre  une jeune fille Sila passionnée comme lui par la littérature, victime aussi du régime politique, de riche aussi elle est devenue pauvre. Mais pour cette jeune fille une seule aspiration: quitter ce pays et ses racines pour l'Amérique . Deux amours deux rencontres dans un pays où des policiers sèment la terreur dans les rues, où la liberté est un vain mot où seules la littérature et l’écriture permettent  de rêver et de ne pas sombrer dans la peur quotidienne. Deux rencontres mais deux choix et une seule décision: rester ou partir. Je n’ai pas dévoré ce roman, je l’ai savouré jusqu’à la dernière page. J’ai savouré cette écriture  fine et  imagée. J’ai savouré cette écriture si légère et si puissante à la fois.

J’ai beaucoup aimé certains passages par exemple à la page 159 celui  de cette femme qui gère du haut de ses talons hauts sa villa et son personnel, le jour où elle se tord la cheville et marche en pantoufle tout va à vau-l’eau, quel symbole ! Un autre passage à la page 157 où l’auteur analyse sur ce qu’est un bon livre et s’explique sur le snobisme littéraire. Snobisme littéraire (et j’ajouterais parisien) qui est bien d’actualité depuis quelques années et qui m’agace profondément !

Il est important de noter que cet écrivain a écrit ce roman dans sa cellule en prison.

 « J’ai aussi noté que l’écriture, en même temps de m’ouvrir en grand les portes de la liberté, ouvre la porte aux dangers venus de l’extérieur, me laissant exposé et vulnérable. »page 266

Dommage pour la couverture qui (à mon goût bien sûr) est particulièrement moche j’aurais préféré Madame Hayat dans sa jolie robe couleur miel !