Une saison douce de Milena Agus

     

C’est un petit village sarde, oublié du monde, qui a perdu ses couleurs et ses richesses. Un village  où il ne se passe plus rien. Plus d’école, plus d’enfants, un train qui passe mais qui ne s’arrête pas, des champs à l’abandon, des maisons en ruines. Par un bel après-midi d’automne, un groupe de migrants accompagnés d’humanitaires fait son entrée dans ce petit hameau et s’installe dans une maison appelée la ruine. Les envahisseurs, comme ils sont nommés, vont bousculer les habitudes, faire vaciller les certitudes, troubler la quiétude, faire resurgir les rancoeurs et diviser les autochtones. La narratrice est l’une de ces femmes du village qui décide d’aller à la rencontre de ces envahisseurs. Avec humour, drôlerie, lucidité et simplicité, elle va peindre des tableaux d’un réalisme époustouflant, elle ne va  épargner personne, même pas elle. Elle ne va pas oublier le lecteur non plus car chacun va pouvoir se reconnaître dans ses réflexions et ses convictions. Qui sont réellement ces migrants ? Quel est leur passé ? Pourquoi s’engager dans l’humanitaire ? J’ai eu presque l’impression d’assister à une pièce de théâtre, les dialogues sont très travaillés, les personnages, certes nombreux n’ont pas été un obstacle à ma lecture. Les sujets épineux de notre société face à l’immigration sont traités avec humour, sensibilité et douceur. De cette rencontre entre autochtones et envahisseurs la vie va  renaître, les couleurs du potager vont éclairer la terre, l’amour envahir les âmes, l’hiver sera plus doux et Noël sera différent. Une leçon d’humanité tellement simple et belle à laquelle on aimerait croire mais ce n’est qu’une fable, chacun repartira dans sa maison après leur passage. Les conversations entre les personnages se font dans le respect des traditions, des coutumes, des croyances, et les projets, comme le jardin partagé, se font en accord avec les capacités et les moyens de chacun. Ce joli petit roman écrit avec tendresse se découpe en vingt courts chapitres au titre évocateur. C’est lumineux plein d’espoir et ça fait du bien. Un roman porté par des femmes audacieuses qui se mettent à rêver et même à fantasmer. Un  roman qui  à mon goût n’a pas eu l’accueil qu’il méritait dans le monde littéraire.