Le bal des folles de Victoria Mas
Un livre passionnant que j’ai dévoré. Ce roman hivernal, il neige presque tous les jours, se déroule du 20 février au 18 mars 1885, donc sur une période très courte. La plupart des scènes se déroulent à la salpétrière. Dans le premier chapitre on entre directement dans le service des aliénées, Louise une adolescente considérée comme folle suite à un viol, a fait une nouvelle crise d’hystérie, pour la soigner le Docteur Charcot procède à des séances d’hypnose devant un public attentif et voyeur. Louise est surveillée et accompagnée par Madame Geneviève une infirmière qui depuis vingt ans admire et assiste le docteur et lui obéit sans réfléchir. Dans le service, Thérèse une vieille femme, tricote toute la journée des châles pour les autres patientes, elle est la doyenne des patientes et un peu la confidente. Dans un quartier chic de Paris, Eugénie une très jeune fille élevée dans une famille bourgeoise, la famille Cléry, dîne avec sa famille, un père autoritaire, une mère insignifiante et presque invisible, un frère et une grand-mère avec laquelle elle entretient de bonnes relations et auprès de qui elle reçoit un peu d’affection. Mais un soir Eugénie a des visions, elle parle avec les morts, elle se confie à sa grand-mère. Son père, mis au courant par la grand-mère, la conduit à la salpétrière, accompagnée par son frère complètement éberlué par l’attitude du père. Lorsque Eugénie arrive, Geneviève lui témoigne de l’amitié, et surtout Geneviève ouvre les yeux sur la condition de ces filles internées de force et n’est plus sûre de ses convictions. Les internées sont en pleine préparation du bal des folles. Bal donné en présence du tout Paris chic. J’ai beaucoup aimé ces portraits de femmes complètement muselées par l’autorité des hommes que l’on soustrait de force à la liberté. La construction de ce roman est irréprochable et agréable à lire, l’écriture est soignée et fluide, et que dire de l’émotion que j’ai ressentie en le lisant, émotion mêlée de compassion de tristesse pour ces femmes meurtries et traitées tels des animaux dans un zoo, car on sait combien ce livre est vrai. J’ai un souvenir terrible, dans le village où j’habitais enfant, un établissement de « filles »portait le terrible nom d’Asile des incurables. Le travail de recherche effectué par Victoria Mas est aussi très bien rendu et sans être ennuyeux, elle informe le lecteur sur les méthodes et conditions de l’époque sans en faire de trop. Cette très jeune auteure signe là un excellent premier roman. Certes les portraits auraient peut-être mérités d’être un peu plus étoffés. On peut trouver sur mon blog la critique que j’ai faite sur le remarquable roman d’Anna Hope, La salle de bal, qui traite du même sujet mais la comparaison s’arrête là.